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E'CLAIR -N°02 - MAI 2025

Les jeunes : des profils variés face à la question du logement

Des jeunes plus fragiles qu’ailleurs

Qu’ils soient étudiants (25% des jeunes de la Métropole Aix-Marseille-Provence), en emploi (53%) ou non insérés (22%), les jeunes ont de plus grandes difficultés à accèder à l’autonomie financière. Cela se traduit par des revenus moindres [1] mais aussi des situations d’emploi moins stables que le reste de la population. Plus souvent embauchés via un contrat précaire (interim, CDD, contrats saisonniers), ils sont aussi plus exposés au chômage (25% contre 12,6% de la population des 15-64 ans). Les jeunes apparaissent ainsi davantage dépendants des aides publiques et des aides financières familiales.

Davantage concernés par la pauvreté, 27% sont sous le seuil de pauvreté contre 18% de la population. Provisoire, cette fragilité peut parfois s’inscrire dans la durée. Ces difficultés d’insertion économique sont davantage ressenties par les jeunes de la métropole Aix-Marseille-Provence. Cela peut d’autant plus freiner leur accès à un logement autonome. Ils sont par exemple davantage touchés par le chômage qu’au sein des autres grandes métropoles françaises (+3 à 4 points) ce qui peut s’expliquer par le fait que les jeunes ayant fini leurs études sont moins diplômés. Ainsi, 9% sont sans diplôme contre 5% à 7% dans les autres grandes métropoles et seulement 43% sont diplômés de l’enseignement supérieur contre entre 50% et 63% dans les autres grandes métropoles. Par ailleurs, la part de jeunes se déclarant ni en études ni en emploi s’élève à 22% alors que cette part oscille entre 15% et 19% dans les autres grandes métropoles.

Les jeunes non insérés, une prise d’autonomie liée à la constitution d’une famille.

Les jeunes non scolarisés et n’occupant pas d’emploi sont principalement au chômage (55%), puis l’on retrouve parmi eux les femmes ou hommes au foyer (11%) et les autres inactifs (34%). Leur profil peut être très disparate, il peut s’agir de jeunes en début de vie professionnelle qui connaissent des périodes d’emploi et d’inactivité (25% ont un dipôme du supérieur), de jeunes sortis tôt du système scolaire (19% n’ont aucun dipôme), ou de profil plus fragiles pouvant connaitre des situations de plus ou moins grande marginalité. Les plus jeunes, âgés de 18 à 24 ans, sont particulièrement fragiles dans le sens où ils ne peuvent perçevoir de prestations sociales en dehors des allocations logement (inégibilité au RSA, durée de travail minimum non atteinte pour perçevoir des allocations chômage).

L’accès à un logement autonome n’est possible que pour un jeune non inséré sur deux (55%). La prise d’autonomie est souvent liée à la mise en couple (52% vivent en couple) ou à la venue d’enfants, en particulier pour les femmes. En effet, tous profils confondus, les jeunes femmes décohabitent davantage que les hommes et plus tôt : 65% sont autonomes contre 55% des hommes. Chez ces derniers, l’accès à un logement autonome est davantage conditionné par l’occupation d’un emploi stable, alors que chez les femmes la mise en couple plus précoce influe sur la prise d’autonomie résidentielle. Si 57% des jeunes non insérés sont logés dans le parc locatif privé, 21% se tournent vers le parc social constituant un parc d’accueil pour ces publics plus fragiles.

Des jeunes qui ne sont pas égaux face à la décohabitation

Selon le profil des jeunes, le départ est plus ou moins aisé. Ainsi, un étudiant, un jeune actif en début de parcours professionnel ou encore un jeune couple d’actifs en emploi stable ne feront pas face aux mêmes freins dans l’accès à leur propre logement et auront des besoins différents.

En moyenne plus jeunes, 93% ont entre 18 et 24 ans, et ayant de très faibles ressources, les étudiants sont moins enclins à vivre de manière autonome, d’autant plus s’ils sont issus du territoire. Davantage chez leurs parents que les autres jeunes (57 % contre 30 % des jeunes en emploi et 45 % des jeunes non insérés), ce constat est particulièrement vrai dans la métropole comparativement à d’autres territoires “étudiants”. Cela peut s’expliquer par une proportion plus importante d’étudiants qui sont issus du territoire. Lorsqu’ils doivent se rapprocher de leurs lieux d’études, ils ont besoin de logements à faible loyer pour une durée adaptée à leurs études ou stages et si possible équipés. C’est pourquoi ils se tournent davantage vers les logements en structures telles que les résidences CROUS, résidences Habitat Jeunes, résidences étudiantes (18%) ou la colocation (16%) que les autres tranches d’âges. Néanmoins, ils s’orientent très majoritairement vers les petits logements du parc privé (71%) en particulier les meublés (35%).

Avec le début de la vie professionnelle, les conditions d’emploi sont souvent précaires et les revenus moindres. Ainsi, jusqu’à 21 ans, la majorité des jeunes actifs en emploi vivent chez leurs parents.

Le fait d’occuper un emploi stable, 70% des 25-30 ans sont en CDI contre 40% des moins de 25 ans, leur permet d’atteindre une certaine autonomie financière et de remplir plus aisément les conditions demandées pour louer un logement. Ces jeunes se tournent alors massivement vers un logement dans le parc locatif privé.

Le diplôme et la situation professionnelle jouent également sur les capacités pour un jeune d’accéder à un logement autonome. Plus de la moitié des jeunes actifs autonomes sont diplômés du supérieur (55% contre 38% des non décohabitants) et les deux tiers sont en CDI (66% contre 52% des non décohabitants). Le temps de travail, qui a une incidence directe sur les revenus, est lui aussi un facteur déterminant. 84% travaillent à temps complet (73% chez des non décohabitants). Quelle que soit la situation professionnelle des jeunes, et d’autant plus si elle est instable, le soutien familial reste un levier important d’accès à l’autonomie résidentielle.

La mise en couple est elle aussi un vecteur décohabitation. Elle consolide souvent les revenus du ménage et elle encourage l’indépendance. Les jeunes autonomes vivent majoritairement en couple (54% dont 18% avec enfants), cela devient le mode de cohabitation majoritaire à partir de 25 ans. Leurs besoins se portent ainsi sur un logement plus grand (T2 ou T3) dans le parc locatif privé (59% y habite) ou en accession à la propriété (25% sont propriétaires). La proportion d’accédants à la propriété augmente avec l’âge. Elle est à mettre en lien avec la constitution d’une famille. Or les prix élevés rendent l’accession de plus en plus difficile pour ce public qui peut être tenté de s’éloigner, tendance qui, au sein du territoire, se traduit par un fort déficit migratoire des jeunes actifs (-888 personnes).

Pour conclure

Si les facteurs qui encouragent les jeunes à prendre leur autonomie sont difficiles à décrypter, les leviers sont quant à eux clairs : stabilité professionnelle, revenus et offre adaptée aux différentes étapes de la vie. Dans un contexte où les jeunes ont un profil plus fragile qu’au sein des autres grandes métropoles, davantage sont non insérés voire pauvres, un large panel de solutions résidentielles favorisant leur autonomie est nécessaire.

[1] 19 460 €/UC par an soit 16% de moins que celui des autres ménages.


Sources : les données sont principalement issues du Recensement de la population 2021 de l’INSEE. Notamment les fichiers individus et le fichier des migrations résidentielles.
Définition : Décohabitation : fait de ne plus partager le même lieu de résidence que son ménage d’origine ; pour les jeunes, cela correspond au départ du domicile parental.