E'Clair : l'article en ligne
E'CLAIR -N°03 - MAI 2025
Des options résidentielles limitées pour les jeunes

Avec ses petits logements disponibles dans de courts délais, le parc locatif privé reste la solution privilégiée par la majorité des jeunes ménages (61% des jeunes y sont logés dont 15% en meublé). Il présente toutefois des inconvénients majeurs.
Souvent présent dans les centres-villes, il apparait inégalement réparti au sein de la métropole. Important à Aix-en-Provence et Marseille (44% des logements à Aix-en-Provence et 39% à Marseille), il est au contraire particulièrement peu présent dans la plupart des villages et petites villes du territoire (dans plus d‘un tiers des communes, il est inférieur à un logement sur cinq). La géographie de l’offre et la concentration territoriale du parc locatif privé est un frein dans l’accès au logement des jeunes. Il peut expliquer la moindre décohabitation de ceux-ci en dehors des pôles urbains.
La présence d’offre ne garantit pas l’accès des jeunes à celle-ci. En concurrence avec les autres ménages, les jeunes sont souvent défavorisés car jugés moins stables. Ils sont souvent obligés de se rabattre vers des logements moins attractifs pour les autres ménages (très petits, passoires thermiques, dans des quartiers moins prisés…). De plus, les tendances sociétales (vieillissement, séparations, développement de meublés de tourisme) accroissent la pression sur les petits logements.
Avec un loyer hors charge de 17 €/m² pour un studio et 14,3 €/m² pour un deux pièces, ce parc est trop cher pour une grande partie des jeunes . Et les garanties demandées (niveau de revenus équivalent à trois fois le loyer, emploi stable, caution) ne sont pas réunies par une bonne partie des jeunes qui aspirent à l’autonomie.
Abordable financièrement, le parc social est une solution qui reste à développer
Avec des loyers bien plus accessibles, 6,9 €/m² pour un deux pièces soit près de deux fois moins cher que dans le parc locatif privé, le parc locatif social semble être l’option idéale pour les jeunes. Dans les faits, peu de jeunes se logent dans ce parc. Seulement 4,4% des titulaires de bail dans le parc social métropolitain ont moins de 30 ans alors que ceux-ci représentent 24% des demandeurs. Plusieurs facteurs expliquent cette situation, en particulier le peu d’offre disponible chaque année (faible mobilité résidentielle au sein du parc et peu d’offre neuve) et une diffusion territoriale qui reste limitée. Par ailleurs, l’accès à ce parc implique des délais d’attente particulièrement longs dans notre territoire sous tension (10,3 demandes pour une attribution). Le manque de petits logements et leur localisation parfois éloignée des centres-villes et des axes de transports en communs aggravent ces constats.
Récemment, l’article 109 de la loi ELAN a ouvert de nouvelles opportunités en rendant possible la réservation de tout ou partie de programmes de logements locatifs sociaux à des jeunes de moins de 30 ans pour des contrats de location d’une durée maximale d’un an. Renouvelables dès lors que l’occupant continue de remplir les conditions d’accès à ce logement, ils permettent un accès facilité et sécurisé à un logement social. Peu utilisé jusqu’à présent, ils représentent une solution à développer pour les étudiants et jeunes actifs ou pour les jeunes en début de parcours.
L’émergence de nouvelles formes d’habiter et d’outils de sécurisation des parcours résidentiels
Faciliter l’accès au logement des jeunes implique de multiplier les pistes de solutions que ce soit par le développement de l’offre ou par des dispositifs facilitant son accès. En faisant émerger de nouvelles façons d’habiter à moindre coût, la loi ELAN a élargi le champs des possibles. Sans révolutionner le paysage de l’accès au logement des jeunes, elle a institutionnalisé des solutions jusqu’alors “bricolées” au bon vouloir des acteurs locaux. C’est en particulier le cas de la colocation dans le parc social ou la cohabitation intergénérationnelle solidaire permettant à une personne de plus de 60 ans de louer une chambre de son logement à un jeune de moins de 30 ans. Leur diffusion reste cependant très marginale. L’accès des jeunes au parc social reste un défi. La mise en œuvre de l’article 109 de la loi ELAN est une perspective prometteuse. Il permet de flécher des logements spécifiquement pour le jeune public et ainsi limiter les effets de concurrence et de file d’attente.
L’offre en résidences dédiées financées par des fonds publics (résidences Habitat Jeunes, résidences étudiantes CROUS) représente une autre réponse Efficace, en particulier pour les phases de transition de vie, elle reste trop peu développée au sein du territoire [1]. Complétée par une offre en croissance de résidences “privées” à destination des actifs (résidences jeunes actifs, coliving…), elles ont le mérite de participer à la démultiplication des solutions. Souvent construites sur un modèle hotelier, elles restent des solutions chères et non pérennes pour la plupart des jeunes. Flexibles, ces formules répondent toutefois aux besoins “clés en main” immédiats mais temporaires.
En parallèle du développement de l’offre, les outils de sécurisation des parcours résidentiels des jeunes sont des leviers d’importance. En ce sens, Action Logement, qui porte plusieurs dispositifs très plébiscités, est un acteur majeur du logement des jeunes. Avec la Garantie Visale couvrant les risques d’impayés, les jeunes peuvent présenter une candidature solide. Elle propose une alternative à la GLI (Garantie des Loyers impayés) couteuse pour les propriétaires et qui, de par les critères d’éligibilité, excluent les jeunes. Loca-Pass, en couvrant le versement du dépôt de garantie par avance remboursable, aide les jeunes à boucler leur budget qu’implique un emménagement. Récemment, le bail à mobilité a facilité la location de courte durée (1 à 10 mois) de logements meublés à des personnes en situation de mobilité (étudiants, jeunes actifs) et ne nécessite pas de verser de caution. D’autres structures comme les CLLAJ (Comité Local pour le Logement Autonome des Jeunes), proposent des dispositifs dits “d’intermédiation locative” tels que des baux accompagnés (sous-location, bail glissant…). En venant sécuriser la relation entre le locataire et le bailleur, ils favorisent l’accès au logement.
S’ils ont en commun d’être dans une situation économique plus fragile que le reste de la population, les jeunes forment une population hétérogène aux besoins multiples. L’enjeu pour le territoire est de proposer un panel de solutions variées pour s’adapter à leurs besoins : logements dédiés, contrats flexibles s’adaptant à la durée des études ou des stages, petits logements proches des emplois ou des lieux d’études, logements dans le parc social, logements en accession abordable, logements temporaires pour les actifs en mobilité professionnelle mais aussi, pour les plus fragiles d’entre eux, de dispositifs de sécurisation et un accompagnement social adaptés.
[1] Selon l’enquête 2024 de OTLE AMP (Observatoire Territorial du Logement Etudiant) : près de 400 places en Résidences Habitat jeunes et plus de 10 300 places en résidences étudiantes CROUS sont recensées sur le territoire métropolitain. En 2021, 60% de la demande en logement CROUS n’était pas satisfaite.
Sources : les données sont principalement issues du Recensement de la population 2021 de l’INSEE. Notamment les fichiers individus et le fichier des migrations résidentielles.
D’autres sources ont été utilisées : l’Observatoire Local des Loyers du parc privé (ADIL 13) ainsi que l’Occupation du Parc Social (OPS, 2022) et le Système National d’Enregistrement (SNE, au 1er janvier 2024) pour les éléments sur le parc social.